vendredi 23 décembre 2016

J'ai observé les moutons...

Ce matin, en passant devant la ferme du Hallier, je me rappelle de la lecture d'un article publié dans Psychologies Magazine en septembre 2016, et que je confie à ce blog.

« Cet été, lors de vacances au Pays Basque, je suis en train de marcher sur des petits chemins. C’est le matin, il est tôt, je renifle les odeurs de bois et de terre humide, qui commencent à se réchauffer sous les premiers rayons du soleil.

À un moment, j’entends des chocs sourds derrière des buissons ; je m’approche : ce sont deux moutons qui se battent, en se donnant de grands coups de tête, comme des piliers de rugby qui rentrent en mêlée. Le reste du troupeau s’est un peu écarté et observe la bagarre. Au bout d’un moment, un des deux combattants commence à en avoir marre, et cherche à se dérober, refuse le combat, fait semblant d’aller brouter, l’air de rien. Mais l’autre le suit obstinément, et puisque l’adversaire ne veut plus se battre, il continue de lui donner des coups de tête, mais dans les flancs cette fois. Je me dis que ça va mal finir, qu’il va lui casser des côtes ou lui éclater la rate…

Mais un autre mouton sort du troupeau et s’interpose doucement, avec insistance, pour empêcher le vainqueur d’écraser le vaincu. Peu à peu le cogneur se calme, et les belligérants se séparent, le troupeau reprend sa vie normale.

Ça m’a plu, cette petite scène. Je reste un long moment à observer les moutons ; mais je pense à l’espèce humaine : chez nous aussi, il y a des personnes qui calment, apaisent, interrompent les conflits, tentent de protéger les vaincus de l’acharnement des vainqueurs à les achever, à les humilier. Au lieu de rester, comme les autres, à distance de l’affrontement, indifférents ou voyeurs.

On les appelle parfois des « bienveilleurs », ces individus soucieux d’apporter douceur et bienveillance au sein de leur troupeau, ovin ou humain. En anglais existe le terme de « toxic handler », qui désigne, notamment au sein d’une entreprise, les personnes qui prennent sur elles un peu de la souffrance de leurs collègues, qui font preuve d’écoute, d’empathie, de douceur, de compassion.

Ce sont des gens précieux, indispensables pour qu’une communauté soit vivable. Ce qui fait que l’ambiance est bonne dans un groupe, c’est bien sûr qu’il y ait des personnes souriantes et drôles, mais aussi qu’il y ait une proportion de bienveilleurs et d’altruistes suffisamment élevée. Les troupeaux où dominent les comportements narcissiques, égoïstes, indifférents à autrui, ont une ambiance irrespirable.

L’action des bienveilleurs est souvent invisible et discrète. Ils ou elles sont rarement reconnus pour tout ce qu’il apportent par leur souci d’autrui. On admire bien trop les leaders et pas assez les diffuseurs de douceur, les réconciliateurs. Alors, à cet instant, devant mon troupeau de moutons qui s’éloigne doucement, j’ai une pensée affectueuse pour eux, ces travailleurs de l’ombre, ces ambianceurs d’amour, qui œuvrent à ce que la vie soit plus belle au sein de nos troupeaux.

Et puis c’est drôle : pour une fois qu’un comportement de mouton peut avoir valeur d’exemple... »


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